Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/226

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après la perception d’une combinaison que la nature avait faite. La combinaison aussi qui fait les modes n’est pas tout à fait volontaire ou arbitraire, car on pourrait joindre ensemble ce qui est incompatible, comme font ceux qui inventent des machines du mouvement perpétuel ; au lieu que d’autres en peuvent inventer des bonnes et exécutables qui n’ont point d’autre archétype chez nous que l’idée de l’inventeur, laquelle a elle-même pour archétype la possibilité des choses, ou l’idée divine. Or ces machines sont quelque chose de substantiel. On peut aussi forger des modes impossibles, comme lorsqu’on se propose le parallélisme des paraboles, en s’imaginant qu’on peut trouver deux paraboles parallèles l’une à l’autre, comme deux droites, ou deux cercles. Une idée donc, soit qu’elle soit celle d’un mode, ou celle d’une chose substantielle, pourra être complète ou incomplète selon qu’on entend bien ou mal les idées partiales qui forment l’idée totale : et c’est une marque d’une idée accomplie lorsqu’elle fait connaître parfaitement la possibilité de l’objet.


§ 1. Philalèthe. Comme la vérité ou la fausseté n’appartient qu’aux propositions, il s’ensuit que, quand les idées sont nommées vraies ou fausses, il y a quelque proposition ou affirmation tacite. § 3. C’est qu’il y a une supposition tacite de leur conformité avec quelque chose, § 5, surtout avec ce que d’autres désignent par ce nom (comme lorsqu’ils parlent de la justice), item à ce qui existe réellement (comme est l’homme et nom pas le centaure), item à l’essence dont dépendent les propriétés de la chose, et en ce sens nos idées ordinaires des substances sont fausses quand nous nous imaginons certaines formes substantielles. Au reste les idées mériteraient plutôt d’être appelées justes ou fautives que vraies ou fausses.

Théophile. Je crois qu’on pourrait entendre ainsi les vraies ou les fausses idées, mais comme ces différents sens ne conviennent point entre eux et ne sauraient être rangés commodément sous une notion commune, j’aime mieux appeler les idées vraies ou fausses par rapport à une autre affirmation tacite, qu’elles renferment toutes, qui est celle de la possibilité. Ainsi les idées possibles sont vraies et les idées impossibles sont fausses.