corps : car le jaune ou l’amer par exemple sont les objets des idées ou fantaisies simples, et néanmoins on n’en a qu’une connaissance confuse, même dans les mathématiques, où un même mode peut avoir une définition nominale aussi bien qu’une réelle. Peu de gens ont bien expliqué en quoi consiste la différence de ces deux définitions, qui doit discerner aussi l’essence et la propriété. A mon avis cette différence est que la réelle fait voir la possibilité du défini, et la nominale ne le fait point : la définition de deux droites parallèles, qui dit qu’elles sont dans un même plan et ne se rencontrent point quoiqu’on les continue à l’infini, n’est que nominale, car on pourrait douter d’abord si cela est possible. Mais lorsqu’on a compris qu’on peut mener une droite parallèle dans un plan à une droite donnée pourvu qu’on prenne garde que la pointe du style qui décrit la parallèle demeure toujours également distante de la donnée, on voit en même temps que la chose est possible et pourquoi elles ont cette propriété de ne se rencontrer jamais, qui en fait la définition nominale, mais qui n’est la marque du parallélisme que lorsque les deux lignes sont droites, au lieu que si l’une au moinsétait courbe, elles pourraient être de nature à ne se pouvoir jamais rencontrer, et cependant elles ne seraient point parallèles pour cela.
§ 19. Philalèthe. Si l’essence était autre chose que l’idée abstraite, elle ne serait point ingénérable et incorruptible. Une licorne, une sirène, un cercle exact ne sont peut-être point dans le monde.
Théophile. Je vous ai déjà dit, Monsieur, que les essences sont perpétuelles, parce qu’il ne s’y agit que du possible.
§ 2. Philalèthe. Je vous avoue que j’ai toujours cru qu’il était arbitraire de former les modes ; mais, quant aux idées simples et celles des substances, j’ai été persuadé qu’outre la possibilité, ces idées devaient signifier une existence réelle.
Théophile. Je n’y vois aucune nécessité. Dieu en a les idées avant que de créer les objets de ces idées, et rien n’empêche qu’il ne puisse encore communiquer de telles idées aux créatures intelligentes : il n’y a pas même de