Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/441

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Et dans ce sens, il n’y aurait rien d’omis, et l’argument à cet égard pourrait passer pour entier. On voit que ce raisonnement est un tissu de syllogismes entièrement conformes à la logique ; car je ne veux point maintenant considérer la matière de ce raisonnement, où il y aurait peut-être des remarques à faire ou des éclaircissements à demander. Par exemple, quand un homme ne peut point faire autrement, il y a des cas où il pourrait être coupable devant Dieu, comme s’il était bien aise de ne point pouvoir secourir son prochain pour avoir une excuse. Pour conclure, j’avoue que la forme d’argumenter scolastique est ordinairement incommode, insuffisante, mal ménagée ; mais je dis en même temps que rien ne serait plus important que l’art d’argumenter en forme selon la vraie logique, c’est-à-dire pleinement quant à la matière et clairement quant à l’ordre et à la force des conséquences, soit évidentes par elles-mêmes, soit prédémontrées.

§ 5. Philalèthe. Je croyais que le syllogisme serait encore moins utile, ou plutôt absolument d’aucun usage, dans les probabilités, parce qu’il ne pousse qu’un seul argument topique. Mais je vois maintenant qu’il faut toujours prouver solidement ce qu’il y a de sûr dans l’argument topique même, c’est-à-dire l’apparence qui s’y trouve, et que la force de la conséquence consiste dans la forme. § 6. Cependant si les syllogismes servent à juger, je doute qu’ils puissent servir à inventer, c’est-à-dire à trouver des preuves et à faire de nouvelles découvertes. Par exemple, je ne crois pas que la découverte de la 47« proposition du premier livre d’Euclide soit due aux règles de la logique ordinaire ; car on connaît premièrement, et puis on est capable de prouver en forme syllogistique.

Théophile. Comprenant sous les syllogismes encore les tissus de syllogismes et tout ce que j’ai appelé argumentation en forme, on peut dire que la connaissance qui n’est pas évidente par elle-même, s’acquiert par des conséquences, lesquelles ne sont bonnes que lorsqu’elles ont leur forme due. Dans la démonstration de ladite pro- position, qui fait le carré de l’hypoténuse égal aux deux carrés des côtés, on coupe le grand carré en pièces et les deux petits aussi, et il se trouve que les pièces des deux petits carrés se peuvent toutes trouver dans le grand et ni plus ni moins. C’est prouver l’égalité en forme, et les égalités des pièces se prouvent aussi par des arguments en bonne forme. L’analyse des anciens était, suivant Pappus, de prendre ce qu’on demande, et d’en tirer des conséquences jusqu’à ce qu’on vienne à quelque chose de