Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/442

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donné ou de connu. J’ai remarqué que pour cet effet il faut que les propositions soient réciproques, afin que la démonstration synthétique puisse repasser à rebours par les traces de l’analyse, mais c’est toujours tirer des conséquences. Il est bon cependant de remarquer ici que, dans les hypothèses astronomiques ou physiques, le retour n’a point lieu ; mais aussi le succès ne démontre pas la vérité de l’hypothèse. Il est vrai qu’il la rend probable, mais, comme cette probabilité parait pécher contre la règle de logique qui enseigne que le vrai peut être tiré du faux, on dira que les règles logiques n’auront point rien entièrement dans les questions probables. Je réponds qu’il est possible que le vrai soit conclu du faux ; mais il n’est pas toujours probable, surtout lorsqu’une simple hypothèse rend raison de beaucoup de vérités, ce qui est rare et se rencontre difficilement. On pourrait dire avec Cardan que la logique des probables a d’autres conséquences que la logique des vérités nécessaires. Mais la probabilité même de ces conséquences doit être démontrée par les conséquences de la logique des nécessaires.

§ 7. Philalète. Vous paraissez faire l’apologie de la logique vulgaire, mais je vois bien que ce que vous apportez appartient à une logique plus sublime, à qui la vulgaire n’est que ce que les rudiments abécédaires sont à l’érudition ; ce qui me fait souvenir d’un passage du judicieux Hooker, qui, dans son livre intitulé la Police ecclésiastique, liv. I, § 6, croit que si l’on pouvait fournir les Vivais secours du savoir et de l’art de raisonner, que dans ce siècle, qui passe pour éclairé, on ne connaît pas beaucoup et dont on ne se met pas fort en peine, il y aurait autant de différence, par rapport à la solidité du jugement, entre les hommes qui s’en serviraient et ce que les hommes sont à présent, qu’entre les hommes d’à présentât les imbéciles. Je souhaite que notre conférence puisse donner occasion à faire trouver à quelques-uns ces vrais secours de l’art, dont parle ce grand homme qui avait l’esprit si pénétrant. Ce ne seront pas les imitateurs qui, comme le bétail, suivent le chemin battu {imitatorum servum pecus). Cependant j’ose dire qu’il y a dans ce siècle des personnes d’une telle force de jugement et d’une si grande étendue d’esprit qu’ils pourraient trouver pour l’avancement de la connaissance des chemins nouveaux, s’ils voulaient prendre la peine de tourner leurs pensées de ce côté-là.

Théophile. Vous avez bien remarqué, monsieur, avec