Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/443

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feu M. Hooker, que le monde ne s’en met guère en peine ; autrement je crois qu’il y a et qu’il y a eu des personnes capables d’y réussir. Il faut avouer cependant que nous avons maintenant de grands secours, tant du côté des mathématiques que de la philosophie, où les Essais concernant l’entendement humain de votre excellent ami ne sont pas le moindre. Nous verrons s’il y aura moyen d’en profiter.

§ a. Philalèthe. Il faut que je vous dise encore, monsieur, que j’ai cru qu’il y avait une méprise visible dans les règles du syllogisme ; mais depuis que nous conférons ensemble vous m’avez fait hésiter. Je vous représenterai pourtant ma difficulté. On dit que « nul raisonnement syllogistique ne peut être concluant, s’il ne contient au moins une proposition universelle ». Mais il semble qu’il n’y ait que les choses particulières qui -soient l’objet immédiat de nos raisonnements et de nos connaissances ; elles ne roulent que sur la convenance des idées, dont chacune n’a qu’une existence particulière et ne représente qu’une chose singulière.

Théophile. Autant que vous concevez la similitude des choses vous concevez quelque chose de plus, et l’universalité ne consiste qu’en cela. Toujours vous ne proposerez jamais aucun de nos arguments sans y employer des vérités universelles. Il est bon pourtant de remarquer qu’on comprend (quant à la forme) les propositions singulières sous les universelles ; car, quoiqu’il soit vrai qu’il n’y a qu’un seul saint Pierre apôtre, on peut pourtant dire que quiconque a été saint Pierre l’apôtre a renié son maître. Ainsi ce syllogisme : Saint Pierre a renié son maître (quoiqu’il n’ait que des propositions singulières), est jugé de les avoir universelles affirmatives, et le mode sera darapti de la troisième figure.

Philatèle. Je voulais encore vous dire qu’il me paraissait mieux de transposer les prémisses des syllogismes, et de dire : Tout A est B, tout B est C, donc tout A est C ; que de dire : Tout B est C, tout A est B, donc tout A est C. Mais il semble, par ce que vous avez dit, qu’on ne s’en éloigne pas et qu’on compte l’un et l’autre pour un même mode. Il est toujours vrai, comme vous avez remarqué, que la disposition différente de la vulgaire est plus propre à faire un tissu de plusieurs syllogismes.

Théophile. Je suis tout à fait de votre sentiment. Il semble cependant qu’on a cru qu’il était plus didactique de commencer par des propositions universelles, telles que sont les majeures dans la première et dans la seconde figure ; et il y a encore des orateurs qui ont cette coutume.