Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/89

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autre, ou pour l’empêcher d’y entrer. Mais cette espèce d’incompatibilité qui fait céder l’un ou l’autre ou les deux ensemble étant une fois supposée, il y a plusieurs raisons par après, qui font qu’un corps résiste à celui qui s’efforce de le faire céder. Elles sont ou dans lui, ou dans les corps voisins. Il y en a deux qui sont en lui-même, l’une est passive et perpétuelle, l’autre active et changeante. La première est ce que j’appelle inertie après Kepler et Descartes, qui fait que la matière résiste au mouvement, et qu’il faut perdre de la force pour remuer un corps, quand il n’y aurait ni pesanteur, ni attachement. Ainsi il faut qu’un corps qui prétend chasser un autre, éprouve pour cela cette résistance. L’autre cause qui est active et changeante, consiste dans l’impétuosité du corps même, qui ne cède point sans résister dans le moment que sa propre impétuosité le porte dans un lieu. Les mêmes raisons reviennent dans les corps voisins, lorsque le corps qui résiste ne peut céder sans faire encore céder d’autres. Mais il y entre encore alors une nouvelle considération, c’est celle de la fermeté, ou de l’attachement d’un corps à l’autre. Cet attachement fait souvent qu’on ne peut pousser un corps sans pousser en même temps un autre qui lui est attaché, ce qui fait une manière de traction à l’égard de cet autre. Cet attachement aussi fait que, quand même on mettrait à part l’inertie et l’impétuosité manifeste, il y aurait de la résistance ; car si l’espace est conçu plein d’une matière parfaitement fluide, et si on y place un seul corps dur (supposé qu’il n’y ait ni inertie ni impétuosité dans le fluide), il y sera mû sans trouver aucune résistance ; mais si l’espace était plein de petits cubes, la résistance que trouverait le corps dur qui devrait être mû parmi ces cubes viendrait de ce que les petits cubes durs, à cause de leur dureté, ou de l’attachement de leurs parties les unes aux autres, auraient de la peine à se diviser autant qu’il faudrait pour faire un cercle de mouvement, et pour remplir la place du mobile au moment qu’il en sort. Mais si deux corps entraient en même temps par deux bouts dans un tuyau ouvert des deux côtés et en remplissaient également la capacité, la matière qui serait dans ce tuyau, quelque fluide qu’elle pût être, résisterait par sa seule impénétrabilité. Ainsi, dans la résistance dont il s’agit ici, il y a à considérer l’impénétrabilité des corps, l’inertie, l’