Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/108

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« Mêlée de rêve », ai-je dit. « Le génie des airs secouait sa chevelure bleue… L’âme de la solitude soupirait… » Ainsi encore, dans les Natchez : « Je m’assieds sur des pierres polies par la douce lime des eaux… La solitude de la terre et de la mer était assise à ma table. » Chateaubriand a vécu neuf ans à Londres ; il connaissait très bien les poètes anglais : n’y aurait-il pas, dans cette union fréquente d’images extrêmement précises et de vagues symboles, quelque influence de la poésie anglaise ?

Joubert écrivit : « Ce livre-ci n’est point un livre comme un autre… Il y a un charme, un talisman qui tient aux doigts de l’ouvrier… Le livre réussira, parce qu’il est de l’enchanteur. »

Atala (et certaines pages des Natchez) atteignent déjà le suprême degré dans l’art de jouir, par le style, des formes, des couleurs et des sons. Un siècle après, cet art ne sera pas dépassé. « Le pélican, le cou reployé, le bec reposant comme une faux sur sa poitrine, se tenait immobile à la pointe d’un rocher. » Dans les siècles des siècles, on ne fera pas mieux voir le pélican. « Quel dessein n’ai-je point rêvé ? Quel songe n’est point sorti de ce cœur si triste ? » On ne dira jamais, ni en mots plus doux, l’éternel désir.

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Telle qu’elle est, Atala peut se relire encore avec délices. Mais quelle audacieuse habileté d’avoir publié avant le Génie du christianisme et pour y