Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/14

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Des neuf enfants nés avant lui, un frère et quatre sœurs survivaient, lorsque, comme il dit, « la vie lui fut infligée ». Ne faites pas attention et ne vous désolez pas ; cette vie fut, en effet, l’une des plus magnifiques que l’on connaisse, et Dieu sait s’il en a joui ! Sauf à l’armée de Condé, après sa blessure, puis à Londres, et peut-être beaucoup plus tard, dans l’extrême vieillesse, je ne crois pas qu’il ait excessivement souffert. Il a été triste, oui ; mais être triste, c’est tout autre chose : c’est même, pour lui, presque le contraire.

Il dit encore : « Il est probable que mes quatre sœurs durent leur existence au désir de mon père d’avoir son nom assuré par l’arrivée d’un second garçon ; je résistais ; j’avais aversion pour la vie. » Son père et sa mère ne l’avaient donc pas désiré pour lui-même. Il n’a pas été extrêmement aimé par eux. Il les a peu aimés. Son père, cadet d’une famille ancienne, et qui avait réparé la fortune de la maison par le commerce en temps de paix et la course en temps de guerre, était un sinistre vieux gentilhomme ; sa mère, une dame grondeuse et avare. « Mon père était la terreur des domestiques, ma mère le fléau. » D’ailleurs « une véritable sainte », dit-il autre part : car ça n’empêche pas.

Cui non risere parentes… « Celui à qui ses parents n’ont pas souri ne fut jamais admis à la table d’un dieu ni au lit d’une déesse. » Cela ne fut point vrai de Chateaubriand, qui, certes, s’assit aux banquets