Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/159

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vrai ? Oui, quelque chose comme cela. Mais il est clair que ce n’est pas la foi d’un chrétien sérieux, celle qui tient tout l’homme, même quand il pèche ; qui est toujours présente à son esprit, qui est l’essentiel de sa vie, qui façonne à chaque instant ses sentiments et sa conduite. Il y a visiblement plus de foi dans n’importe quelle page des Pensées de Pascal que dans tout le Génie du christianisme. La foi de Chateaubriand, affirmation de politique, émotion de poète, désir et illusion de croire, ne le gêne ni ne le dirige ; ne l’empêche ni d’écrire la sensuelle Atala, ni de choisir la maison de sa maîtresse pour y achever son apologie de la vraie religion. Il est d’ailleurs remarquable que, jusqu’à la fin de sa vie et dans le temps même de ses plus beaux gestes de chevalier de la foi, Chateaubriand ait toujours eu des phrases qui supposaient un quasi nihilisme. Boutades élégantes, boutades vaniteuses qu’un vrai chrétien ne se permettrait pas.

Je sais bien qu’on peut croire sans une « pratique » complète. Mais enfin, chez les hommes comme Chateaubriand, le signe le plus sûr de la foi totale, c’est encore la pratique. Une curiosité, assurément innocente et même louable, m’a fait demander à M. Victor Giraud si, depuis le Génie du christianisme, Chateaubriand communiait. M. Victor Giraud m’a répondu : « Voici mon impression. Je serais étonné que Chateaubriand n’eût pas fait ses Pâques en 1799, après la conversion ; je serais étonné