Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/158

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qui, dans le passé profond, ont fait ces rêves et pratiqué ces vertus… On aime aussi la poésie, la douceur et tour à tour l’allégresse espérante et les lamentations des chants liturgiques ; on les aime pour ce qu’ils ont d’éternellement vrai, l’humanité étant l’éternelle suppliante. On aime enfin, (dans un mystère comme celui de la Nativité), sous le sens littéral le sens symbolique. Il n’est certes pas besoin de croire à un dogme révélé pour être profondément sincère en appelant un Sauveur. Depuis dix-neuf siècles on chante tous les ans : « Venez, divin Messie », comme si le Messie n’était pas venu encore. S’il est un cri que tout le monde, croyants et incroyants, peut pousser du fond du cœur, c’est apparemment celui-là. Quand la race humaine disparaîtra, ce sera encore en appelant au secours, et peut-être en essayant de rêver que le secours lui est venu.

Voilà des sentiments que certes Chateaubriand n’eût pas reniés, et que même il nous a peut-être aidés à avoir ; mais il semble pourtant qu’il y ait eu dans son cas un peu plus que la piété sans la foi, alors que la foi venait d’avoir ses martyrs, que l’Église était teinte de son propre sang, et que l’imagination était remuée par tout ce tragique. « J’ai pleuré, j’ai cru », il faut tenir grand compte de cette déclaration. Chateaubriand a donc la foi. Quelle foi ? L’affirmation du dogme par persuasion de sa nécessité sociale, avec un sincère attendrissement, et avec un ardent désir que le dogme soit