Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/182

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front et encadré dans ses sourcils. Il n’avait encore aucune charlatanerie dans le regard, rien de théâtral et d’affecté. Le Génie du christianisme, qui faisait en ce moment beaucoup de bruit, avait agi sur Napoléon. Une imagination prodigieuse animait ce politique si froid : il n’eût pas été ce qu’il était, si la Muse n’eût été là. »

À la suite de cette rencontre, Bonaparte nomma Chateaubriand premier secrétaire de l’ambassade de Rome, auprès du cardinal Fesch (« Bonaparte, dit Chateaubriand à ce propos, était un grand découvreur d’hommes ».) Chateaubriand accepta, surtout, dit-il, à cause de madame de Beaumont : « La fille de M. de Montmorin se mourait : le climat de l’Italie lui serait, disait-on, favorable ; moi allant à Rome, elle se résoudrait à passer les Alpes ; je me sacrifiai à l’espoir de la sauver. » Il eut peut-être d’autres raisons encore. Il arriva à Rome le 27 juin 1803, et s’entendit mal avec le cardinal Fesch (qui, d’ailleurs, était un fort mauvais homme). C’est que, explique-t-il, « je ne vaux rien du tout en seconde ligne ».

Madame de Beaumont arriva à Rome le 17 septembre. Il la soigna de son mieux. Elle mourut le 4 novembre. À propos de la dernière veille, il dit naïvement : « Une idée déplorable vint me bouleverser : je m’aperçus que madame de Beaumont ne s’était doutée qu’à son dernier soupir de l’attachement véritable que j’avais pour elle ; elle ne cessait d’en marquer sa surprise et elle semblait mourir