Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/211

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Lucile, dans l’imagination de son frère, dut se transformer très aisément en Velléda. Je me figure, je vois Lucile à dix-huit ans, dans les bois de Combourg, parée de gui et de fleurs sauvages, dire à René, comme Velléda à Eudore : « Assieds-toi, écoute, sais-tu que je suis fée ? » Et pourquoi prête-t-il à Velléda « une connaissance approfondie des lettres grecques », connaissance vraiment imprévue chez la petite druidesse, si ce n’est parce que Lucile était une personne fort lettrée ?

La destinée de Lucile fut étrange même après sa mort. La sœur de Chateaubriand, la comtesse de Caud, fut enterrée dans la fosse commune. Elle n’avait plus rien, « était ignorée et n’avait pas un ami ». Son frère l’avait mise dans un couvent, chez les Dames de Saint-Michel, avec son domestique le vieux Saint-Germain (l’ancien serviteur de madame de Beaumont). Puis il était allé à Villeneuve-sur-Yonne, chez son ami Joubert ; et là, raconte-t-il, madame de Chateaubriand était tombée malade. Pendant ce temps-là, Lucile avait encore changé de demeure, puis était morte ; et on l’avait enterrée parmi les pauvres. Saint-Germain seul avait suivi le « cercueil délaissé ». Et, quand Chateaubriand était rentré à Paris, le vieux Saint-Germain lui-même était mort (sans avoir une seule fois écrit ou fait écrire à son maître, paraît-il) ; et Chateaubriand s’était abstenu de rechercher le lieu de la sépulture de Lucile. Oh ! il