Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jour où il rencontre l’Eurotas, il ne prend point cet événement à la légère : « Ainsi, après tant de siècles d’oubli, ce fleuve qui vit errer sur ses bords les Lacédémoniens illustrés par Plutarque, ce fleuve, dis-je, s’est peut-être réjoui dans son abandon d’entendre retentir autour de ses rives les pas d’un obscur étranger. C’était le 18 août 1806, à neuf heures du matin, que je fis seul, le long de l’Eurotas, une promenade qui ne s’effacera jamais de ma mémoire. » Et il s’exalte jusqu’à cette déclaration : « Si je hais les mœurs des Spartiates, je ne méconnais point la gloire d’un peuple libre, et je n’ai point foulé sans émotion sa noble poussière. » Et je n’ose pas vous dire de qui ces lignes pourraient être signées.

Il y a mieux encore. C’est quand, du haut de la colline où fut la citadelle de Sparte, il découvre les ruines (d’ailleurs incertaines) de la ville. « Un mélange d’admiration et de douleur arrêtait mes pas et ma pensée ; le silence était profond autour de moi : je voulus du moins faire parler l’écho dans des lieux où la voix humaine ne se faisait plus entendre, et je criai de toute ma force : Léonidas ! Aucune ruine ne répéta ce grand nom, et Sparte même sembla l’avoir oublié. » C’est peut-être sublime. Mais je ne le crois pas. Et si ce n’est pas sublime…

Mais je me suis bientôt aperçu que ces railleries étaient faciles et chétives ; qu’elles ne prouvaient que mon bon sens, ce qui importe peu ; et qu’un sentiment