Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/222

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même si l’on vous dit que la galère de Cléopâtre y a mouillé voilà dix-neuf siècles. Et, si des ruines n’ont gardé que d’incertains contours, je n’y verrai que des tas de pierres, quand même ce seraient les ruines supposées de Sparte ou d’Argos.

Lors donc que Chateaubriand approche de la côte du Péloponèse, je suis un peu surpris de l’entendre dire : « J’étais prêt à m’élancer sur un rivage désert et à saluer la patrie des arts et du génie. » La saluer ? Comment ? Par quel cri ou par quel geste ? Couchant à Méthone (ou Modon) près de Sparte : « Je me retirai, dit-il, dans la chambre qu’on m’avait préparée, mais sans pouvoir fermer les yeux. J’entendais les aboiements des chiens de la Laconie et le bruit du vent de l’Élide : comment aurais-je pu dormir ? » Mais pourquoi n’aurait-il pas dormi ? (Car remarquez que ce n’est point le bruit des chiens et du vent qui le tient éveillé, mais c’est que c’est le vent de l’Élide et les chiens de la Laconie.) Plus loin, en Messénie, à propos de champs d’oliviers possédés par des Turcs, les larmes lui viennent aux yeux « en voyant les mains du Grec esclave inutilement trempées de ces flots d’huile qui rendaient la vigueur au bras de ses pères pour triompher des tyrans. » Sur Messène, il a cette réflexion d’une mélancolie bien imprévue : « Épaminondas éleva les murs de Messène. Malheureusement on peut reprocher à cette ville la mort de Philopœmen. »

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