Aller au contenu

Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’un assemblage de sons, d’un nom. Cette vaine survivance de votre nom, vous ne pourrez en jouir que si votre âme survit elle-même. Mais, si vous ne croyez pas à cette survie de votre âme, le plaisir d’être illustre ne sera pour vous qu’un plaisir viager, comme la simple notoriété ou comme la richesse. L’amour de la gloire implique donc des croyances spiritualistes, et aussi l’illusion que la civilisation actuelle est quelque chose de considérable dans l’histoire de la planète, et que celle-ci est quelque chose de considérable dans l’histoire de l’univers. Non, l’on n’est plus assez naïf pour désirer la gloire. Il y a trop d’hommes célèbres ; il y en a des milliers. Jamais la postérité ne pourra retenir tous leurs noms. On se rabat à ne souhaiter qu’une renommée utile ou d’immédiates jouissances de vanité.

Mais, sans négliger celles-ci, Chateaubriand ne voulait rien de moins que la gloire, et la plus grande gloire possible. Et il faut dire qu’il a vécu dans les meilleures conditions pour la conquérir. Sa chance a été merveilleuse, unique. Les circonstances ont centuplé l’effet des productions de son esprit. Il est venu dans un temps où certaines choses importantes devaient être dites et où tout un pays souhaitait qu’elles fussent dites. Il sut les dire avec génie. Mais, en outre, il était le seul qui eût du génie à ce moment-là, ou du moins qui eût un génie propre à charmer. Les grands écrivains sont nombreux au dix-septième siècle : pas un