Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/226

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d’eux ne peut se croire le roi de son temps. Au dix-huitième siècle, autour de Voltaire, il y a Fontenelle, Montesquieu, Buffon, Diderot, Rousseau. Plus tard il y aura, tout ensemble, Lamartine, Vigny, Hugo, Musset, Balzac, Sand, Michelet, etc… Mais, par une fortune inouïe, Chateaubriand est seul. André Chénier est encore inédit, et d’ailleurs inachevé. Joseph de Maistre est un étranger et n’a guère encore publié que ses courtes Considérations. Bonald a plus d’idées que Chateaubriand, mais est un écrivain difficile et qui n’est lu que d’un petit nombre… En dehors de madame de Staël, improvisatrice de peu de grâce, il n’y a, autour de Chateaubriand, que Fontanes, Joubert inédit, Ginguené, Arnaud, Népomucène Lemercier, Legouvé père, Delille, Esménard… qui encore ? (Constant n’est connu que plus tard comme écrivain). Chateaubriand est le premier sans nulle peine. Il est le seul illustre et le seul glorieux.

Et déjà il n’est plus qu’un homme qui soutient et entretient sa gloire. L’Itinéraire est, si j’ose dire, le plus « truqué » des livres. Ce voyage nous est présenté comme un événement tout à fait considérable, comme un épisode de la mission historique de l’auteur. Il affecte, du moins au commencement, la plus minutieuse et la plus implacable exactitude, adopte d’abord la forme d’un journal de voyage, nous rend compte de ses actes heure par heure. Il inscrit ses dépenses et les pourboires