Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/294

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Majesté Britannique, etc… » Point de signalement ; ma grandeur

 devait faire connaître mon visage en tous lieux. Un bateau à
 vapeur, nolisé pour moi seul, me porte de Calais à Douvres.
 En mettant le pied sur le sol anglais, le 5 avril 1822, je suis
 salué par le canon du port. Un officier vient, de la part
 du commandant, m’offrir une garde d’honneur. Descendu à
 Shipwright-Inn, le maître et les garçons de l’auberge me
 reçoivent bras pendants et tête nue. Madame la mairesse m’invite
 à une soirée, au nom des plus belles dames de la ville. M.
 Billing, attaché à mon ambassade, m’attendait. Un dîner
 d’énormes poissons et de monstrueux quartiers de bœuf restaure
 Monsieur l’ambassadeur, qui n’a point d’appétit et qui n’était
 pas du tout fatigué…, etc.

Et encore :

 Ma place politique met à l’ombre ma renommée littéraire ; il
 n’y a pas un sot dans les trois royaumes qui ne préfère
 l’ambassadeur de Louis XVIII à l’auteur du Génie du
 christianisme. Je verrai comment la chose tournera après ma
 mort, ou quand j’aurai cessé de remplacer M. le duc Decazes
 auprès de Georges IV, succession aussi bizarre que le reste de ma
 vie.

(Mais non, mais non, pas tant que cela.) Puis il se rappelle le temps où il errait dans les faubourgs de Londres… et, alors, vient ce morceau :

 Quand je rentrai en 1822, au lieu d’être reçu par un ami
 tremblant de froid, qui m’ouvre la porte de notre grenier en me
 tutoyant… qui se couche sur son grabat auprès du mien, en se
 recouvrant de son mince habit et ayant pour lampe le clair de
 lune, —