Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/300

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sa vanité, Hugo reste plus « vieille France » que Chateaubriand.

La vanité de Chateaubriand a souvent pour complice son imagination de Celte… Je n’irai pas si loin que le Celte Charles Le Goffic, qui (dans la deuxième série de l’Âme bretonne), comparant le mirage armoricain au mirage méridional, dit que, du moins, les Méridionaux « mesurent le mirage » ; ce que les Celtes ne font pas, « parce que la pluie et la brume n’offrent point les mêmes facilités de vérification que le soleil et ne sauraient servir comme lui à contrôler l’illusion qu’elles ont créée ». Il assure que les Celtes croient aisément à leurs inventions, que « l’auto-suggestion est fréquente chez eux ». Mais ici il faut distinguer. Chateaubriand sait très bien s’il a vu, ou non, Washington et s’il a bu, ou non, de l’eau du Mississipi (il n’y a même que lui qui le sache). Là, je ne crois pas du tout à l’auto-suggestion. Mais, sur le détail des événements, oui, il peut lui arriver de s’abuser lui-même. Ayant oublié le vrai à force d’y rêver, et parce que ce qu’il raconte est souvent très loin dans le temps, il nous donne, à la place, ce qui lui paraît le plus beau ou le plus avantageux. Il ne travestit pas la vérité avec préméditation : mais, comme il ne la sait plus très bien, il la reconstitue, il comble les lacunes de sa mémoire par le travail de son imagination, toujours subordonné au désir de paraître tel qu’il voudrait avoir été. C’est là, chez lui, je crois, la part du mirage celtique. La vérité