Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/307

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à la main, il traversait les ponts

 d’Arcole et de Lodi, quand il triomphait aux Pyramides, aurais-je
 donné pour toutes ces victoires une seule de ces heures oubliées
 qui s’écoulaient en Angleterre, dans une petite ville inconnue ?

Il est bien clair qu’il l’aurait donnée. Mais écoutez encore :

 Je quittai l’Angleterre quelques mois après que Napoléon eut
 quitté l’Égypte ; nous revînmes en France presque en même
 temps, lui de Memphis, moi de Londres ; il avait saisi des
 villes et des royaumes, ses mains étaient pleines de puissantes
 réalités : je n’avais encore que des chimères.

L’histoire des sentiments de Chateaubriand pour Napoléon est intéressante. Nous en avons déjà vu quelque chose. Il commence par être, avec presque toute la France, ardent pour le premier Consul. Il accepte, nous l’avons vu, d’être secrétaire d’ambassade à Rome, puis ministre dans le Valais, mais donne sa démission à l’occasion du meurtre du duc d’Enghien, beaucoup par une très noble indignation, un peu parce qu’il ne tenait guère à rester petit agent diplomatique de l’homme dont il s’estimait l’égal (n’était-il pas, lui, par le Génie du christianisme, le vrai restaurateur de la religion ?) Pendant l’Empire, deux fois il libère sa conscience : par l’article du Mercure, et par son discours de réception à l’Académie ; manifestations généreuses, mais sans grand danger : madame de Chateaubriand est impérialiste, l’empereur le