Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/308

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sait ; le meilleur ami de Chateaubriand est Fontanes, qui sait le défendre à l’occasion ; plusieurs de ses autres amis, Joubert, Clausel de Coussergues, Pasquier, Rémusat, Guéneau, sont fonctionnaires de l’empereur. Au surplus, Napoléon aime la prose de Chateaubriand et ne déteste point l’homme. Et Chateaubriand admire dans Napoléon le seul égal qu’il se reconnaisse ici-bas. Mais, vers les dernières années, l’empereur devient décidément insupportable. En même temps, son étoile pâlit. Après Moscou, après l’Espagne, après Leipsick, Chateaubriand entrevoit la possibilité d’une restauration où il croit qu’il serait tout et connaîtrait à son tour la puissance matérielle et les grandeurs de chair. Et c’est pourquoi il écrit De Buonaparte et des Bourbons, où il sait bien lui-même qu’il rabaisse l’empereur à l’excès et le défigure. C’est qu’il lui faut abattre son « rival », et c’est qu’il veut que la Restauration soit son œuvre. Mais après 1830, Napoléon est mort depuis dix ans. Sa légende s’est faite. Chateaubriand n’oserait plus parler de lui comme en 1814. « Le train du jour, écrit-il, est de magnifier les victoires de Bonaparte. » Il proteste pour sa part : « C’est que, dit-il, les patients ont disparu ; on n’entend plus les imprécations, les cris de douleur et de détresse des victimes ; on ne voit plus la France épuisée, labourant son sol avec des femmes… On oublie que tout le monde se lamentait des triomphes… On oublie que le peuple, la cour, les généraux, les ministres,