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Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/314

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le vieux René n’a pas changé ; il se demande en passant « ce que le monde aurait pu devenir » si la carrière de Chateaubriand « n’avait pas été traversée par une misérable jalousie » (sans doute celle du roi Louis XVIII), et il se fait rappeler par une hirondelle qu’il a été ministre des Affaires étrangères. Mais il se détend, semble-t-il, et s’abandonne, plus qu’il n’a jamais fait, à son naturel. Il rapporte les compliments qu’on lui fait sur sa jeunesse, et les étonnements sur ses cheveux noirs, et cela signifie qu’il a soixante-cinq ans, et que cela l’ennuie bien, et qu’il ne veut pas vieillir. Il dit à un endroit : « Pardonnez, je parle de moi, je m’en aperçois trop tard », et cela est d’un effet vraiment comique. D’autant plus que, cinq lignes après, exactement, il nous dit que le bibliothécaire de la ville de Bamberg le vint saluer à cause de sa renommée, « la première du monde, selon lui, ce qui réjouissait la moelle de mes os ». Bref, il se laisse aller. Il est troublé par tous les jupons qui passent : la servante saxonne, la petite vierge de Waldmünchen, la grande fille rousse d’Egra, la voyageuse de Weissenstadt (« Elle avait bien l’air de ce que probablement elle était : joie, courte fortune d’amour, puis l’hôpital et la fosse commune. Plaisir errant, que le ciel ne soit pas trop sévère à tes tréteaux ! »), la petite hotteuse (« Sa jolie tête échevelée se collait contre sa hotte… on voyait que, sous ses épaules chargées, son jeune sein n’avait encore senti que le poids de la dépouille des