Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/313

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il ne lui en veut plus guère. Et quand il apprend que Napoléon à Sainte-Hélène a dit : « Si le duc de Richelieu et Chateaubriand avaient eu la direction des affaires, la France serait sortie puissante et redoutée de ces deux grandes crises nationales (1814 et 1815). Chateaubriand a reçu de la nature le feu sacré. Son style est celui des prophètes », oh ! alors, il ne lui en veut plus du tout. « Pourquoi ne conviendrais-je pas que ce jugement chatouille de mon cœur l’orgueilleuse faiblesse ? » Alors il accorde tout ce qu’on veut ; il reconnaît que Napoléon fut un reconstructeur, et ne lui reproche plus, — sévèrement, mais sans grande amertume, — que d’avoir peu respecté la liberté.

Le récit des deux Restaurations, de la stupidité des vieux royalistes, de la conversion subite et gloutonne des anciens jacobins, ce récit où il fut aidé par la malice de madame de Chateaubriand (le Cahier rouge) est d’une singulière fureur de style, et de la plus brûlante âcreté dans les tableaux et dans les portraits. Mais, je l’avoue, j’ai un faible pour la dernière partie des Mémoires, pour les voyages à travers l’Allemagne et la Bohême. Il y a là, tout à la fois, une immense lassitude, une immense tristesse, un immense plaisir à vivre ; partout l’idée de l’amour et de la mort et la plus sensuelle poésie ; les plus souples passages de la familiarité au lyrisme ; un style qui est aussi, par lui-même, une volupté…

Oh !