Il avait commencé par l’abandonner pendant douze ans (de 1792 à 1804), et on ne sait ce qu’elle était devenue pendant ce temps-là (sinon qu’elle fut emprisonnée à Rennes avec Lucile, à cause de l’émigration de son mari, jusqu’au 9 thermidor, et qu’elle vécut en Bretagne). Quand il l’a reprise, il reste le moins possible auprès d’elle. Il va sans elle en Grèce et en Palestine ; il est, sans elle, ambassadeur à Berlin, puis à Londres ; il voyage continuellement sans elle. Il semble qu’il n’ait pas voulu lui donner d’enfant : « Je n’ai jamais désiré me survivre. » Et encore : « Madame de Chateaubriand n’a point trouvé dans les joies naturelles le contrepoids de ses chagrins. Privée d’enfants qu’elle aurait eus peut-être dans une autre union… » Et enfin : « Après le malheur de naître, je n’en connais pas de plus grand que de donner le jour à un homme. » Pendant un de ses voyages, aux Pâquis, près Genève, le 15 septembre 1831, il a cette effusion de bile :
Oh ! argent que j’ai tant méprisé et que je ne puis aimer quoi que je fasse, je suis forcé d’avouer pourtant ton mérite ; source de la liberté, tu arranges mille choses dans notre existence, où tout est difficile sans toi. Excepté la gloire, que ne peux-tu pas procurer ?… Quand on n’a point d’argent, on est dans la dépendance de toutes choses et de tout le monde. Deux créatures qui ne se conviennent pas pourraient aller chacune de son côté ; eh bien ! faute de quelques pistoles, il faut qu’elles restent là en face l’une de l’autre à se bouder, à se maugréer, à s’aigrir l’humeur, à s’avaler la langue d’