Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/338

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toujours à la communion pascale » et qu’il avait même, « dans ses dernières années, communié assez fréquemment aux époques de certaines fêtes ». Et Chateaubriand, vieux, nous dit lui-même : « Ma conviction religieuse, en grandissant, a dévoré mes autres convictions ; il n’est ici-bas chrétien plus croyant et homme plus incrédule que moi. »

Oui, telle devait être sa foi, fondée sur son nihilisme même. Mais assurément, il mourut dans la foi. La foi est, au fond, acte de volonté. Et, outre la volonté de croire, il avait celle de bien composer sa vie. Il l’a si bien composée, que nous en connaissons seulement l’image qu’il a voulu nous en donner : mais il est vrai aussi que, d’avoir passé sa vie à en composer l’image, cela même est ce qui nous fait le mieux connaître cet être d’orgueil, de tristesse et de désir sans fin.

Après sa vie, il compose son attitude d’« outre-tombe ». Au cours de plusieurs années, il négocie avec le maire de Saint-Malo et le ministère la cession d’un rocher pour y placer son tombeau : une simple dalle, avec une croix, sans un nom, parmi les flots. Cette affectation de n’y pas mettre son nom est admirable ! Ah ! le pauvre être préoccupé d’étonner, même quand il ne le saura plus. Il est si facile pourtant d’être détaché de soi après la mort ! Lui non. Il a même le squelette vaniteux. Cela couronne cette vie splendide et vaine, vaine au jugement du chrétien qu’il croyait être, si ce « restaurateur