Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/44

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son orgueil, son ennui, et parce que toute cette ardeur et toute cette tristesse, il les a traduites par des mots qui nous sont un enchantement. Je lui en suis très reconnaissant ; mais que voulez-vous ? On n’a pas toujours le besoin absolu de respecter ceux qu’on aime, ou, si vous voulez, on n’aime pas ceux-là seulement qu’on respecte.

Le voilà donc arrivé à Londres. Il est toujours malade ; il tousse, il a des sueurs et des crachements de sang. Des amis le traînent de médecin en médecin. On lui dit qu’il peut durer quelques mois, peut-être un an ou deux, s’il renonce à toute fatigue. Et alors, certain de sa fin prochaine, ce garçon de vingt-quatre ans décide d’écrire, avant de mourir, un ouvrage sur la Révolution et de dire sa pensée sur l’histoire et sur la vie.

Mais il faut vivre. On s’entr’aide assez volontiers chez les émigrés. Presque tous travaillent. « Les uns se sont mis dans le commerce des charbons ; les autres font avec leurs femmes des chapeaux de paille ; les autres enseignent le français qu’ils ne savent pas. » « Ils sont tous très gais. » Le chevalier fait la connaissance de Peltier, principal rédacteur des Actes des apôtres, et ambassadeur du roi d’Haïti auprès de George III ; une espèce de bohème « qui n’avait pas précisément de vices, mais qui était rongé d’une vermine de petits défauts ». Il confie à Peltier son plan d’un Essai sur les Révolutions. Peltier a subitement foi dans ce garçon, qui, évidemment, ne ressemble pas