Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/66

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trouve dans la dure nécessité de se rappeler sa dignité d’homme, s’il ne veut que les autres l’oublient. »

Et maintenant, « que faudrait-il faire pour soulager ses chagrins ? » La réponse nous indique très précisément comment le jeune Chateaubriand soulageait les siens, et en somme comment il vivait à Londres.

« Un livre vraiment utile aux misérables, ce sont les Évangiles. » Le malheureux doit éviter les jardins publics, le fracas, le grand jour ; le plus souvent, même, il ne sortira que la nuit. Ainsi faisait-il. Un soir, il va s’asseoir au sommet d’une colline, qui domine la ville ; il regarde les lumières des maisons. « Ici, il voit éclater le réverbère à la porte de cet hôtel, dont les habitants, plongés dans les plaisirs, ignorent qu’il est un misérable, occupé seul à regarder de loin la lumière de leurs fêtes, lui qui eut aussi des fêtes et des amis ! » Il ramène ensuite ses regards sur quelque petit rayon tremblant dans une pauvre maison écartée du faubourg, et il dit : « Là, j’ai des frères. » Voilà un son de voix, un accent, qui ne sont pas très communs dans Chateaubriand.

Il recommande la solitude dans la nature. « Que celui que le chagrin mine s’enfonce dans les forêts. » Il recommande aussi, comme Rousseau, la botanique. Puis, au retour, la lecture : « Un livre qu’on a eu bien de la peine à se procurer, un livre qu’on tire précieusement du lieu obscur où on le tenait caché,