Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/74

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qui d’ailleurs s’appliqueraient encore mieux à bien des passages des Mémoires d’outre-tombe). Mais souvent, à propos de quelque chapitre particulièrement éloquent dans son âcre misanthropie, il se laisse désarmer. « Me louerai-je ? J’en ai bien envie ; la colère de ces pages m’a amusé ; je les avais complètement oubliées. » Ou bien : « Voilà certes un des plus étranges chapitres de tout l’ouvrage, et peut-être un des morceaux les plus extraordinaires qui soient jamais échappés à la plume d’un écrivain… C’est du Rousseau, c’est du René, c’est du dégoût de tout, de l’ennui de tout. » En somme, il se reconnaît avec plaisir dans ce premier ouvrage ; et même il est content que l’on sache qu’il a été ce jeune homme troublé et révolté et qu’il a senti et pensé comme cela. Il a voulu que ses impiétés même ne fussent point abolies, et que l’on connût clairement qu’il n’avait pas toujours été bon chrétien. Au fait, si l’on ne connaissait pas, par ce livre, le jeune homme qu’il avait été, on comprendrait moins le vieillard si profondément désenchanté qu’il fut. Et, après 1830, quand il sera publiquement l’ami de Carrel, de Béranger, de Lamennais, il sera ravi, nous le verrons, d’avoir écrit l’Essai, et fier de ce volumineux péché de jeunesse.