Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/91

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pâme avec d’accablantes douleurs, et un

 dur sommeil ferme ses yeux.

Ou encore :

 Une balle lancée au hasard lui crève le réservoir du fiel. Le
 guerrier sent aussitôt sur sa langue une grande amertume ; son
 haleine expirante fait monter, comme par le jeu d’une pompe, le
 sang qui vient bouillonner à ses lèvres.

Etc., etc… Car Chateaubriand a l’imagination facilement cruelle.

La bataille se prolonge sans résultat. Alors le roi des Enfers, « jugeant le combat arrivé au point nécessaire pour l’accomplissement de ses desseins » (nous ne voyons pas bien pourquoi), songe à séparer les combattants. Pour cela, il va trouver dans sa grotte le démon de la nuit, qui est un démon-femme. L’auteur nous en fait une description voluptueuse, dont se souviendra, je crois, Alfred de Vigny dans Eloa :

 La reine des ténèbres était alors occupée à se parer. Les
 songes plaçaient des diamants dans sa chevelure azurée ; les
 mystères couvraient son front d’un bandeau ; et les amours, nouant
 autour d’elle les crêpes de son écharpe, ne laissaient paraître
 qu’une de ses mamelles, semblable au globe de la lune ; pour
 sceptre, elle tenait à la main un bouquet de pavots… Ce démon
 de la nuit avait toutes les grâces de l’ange de la nuit ; mais,
 comme celui-ci, il ne présidait point au repos de la vertu, et ne
 pouvait inspirer que des plaisirs ou des crimes.

(