Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/97

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mais il suppose aussi chez l’auteur, à cette époque, un fond sincère d’imagination sombre et maladive. Avec les deux volumes de l’Essai sur les Révolutions, les deux volumes des Natchez forment la plus grande masse de pages désespérées par où un écrivain de génie ait jamais débuté. Peu à peu, cette mélancolie deviendra, en quelque façon, voluptueuse : mais on sentira toujours qu’à l’origine de l’œuvre écrite de Chateaubriand, il y a les années de Londres.

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Environ deux ans après. — Chateaubriand a commencé (nous verrons comment) d’écrire le Génie du christianisme. Il a passé, le plus naturellement du monde, de « l’épopée de l’homme de la nature » à l’apologie de la religion chrétienne. Il est rentré en France. Il y a trouvé des amis que séduit sa personne et qui croient à son génie. Son Essai sur les Révolutions n’a pas eu de succès, mais a été lu de quelques-uns, de ceux qui comptent. On parle beaucoup de son futur grand ouvrage, dont Atala ainsi que René (chose inattendue) doivent faire partie. Une lettre au Mercure sur le livre de madame de Staël (De la littérature considérée dans ses rapports avec la morale) « le fait tout à coup sortir de l’ombre », comme il dit. Et enfin, soit parce que des épreuves d’Atala avaient été en effet dérobées, soit plutôt qu’il lui semble bon de préparer le public, par un récit d’une émotion voluptueuse, à goûter sa pieuse apologétique,