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Page:Lemaître - Corneille et la Poétique d’Aristote, 1888.djvu/26

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vivement : « Il n’y a pas de pièces immorales. il n’y a que des pièces mal faites »), — le bon Corneille ajoute ceci, qui n’est plus du tout la même chose : « Ainsi, quoique l’utile n’entre dans le poème dramatique que sous la forme du délectable, il ne laisse pas d’y être nécessaire. »

La tragédie, d’après Corneille, a quatre façons d’être utile aux mœurs. « La première consiste aux sentences et instructions morales qu’on y peut semer presque partout. » — Le malheur, c’est que la plupart des tragédies, et notamment celles de Corneille, contiennent pour le moins autant de maximes immorales que de maximes vertueuses. Relisez, par exemple, la première scène de Pompée :

Seigneur, quand par le fer les choses sont vidées,
La justice et le droit sont de vaines idées ;
Et qui veut être juste en de telles saisons
Balance le pouvoir et non pas les raisons.
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Seigneur, n’attirez point le tonnerre en ces lieux :
Rangez-vous du parti des destins et des dieux.
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Laissez nommer sa mort un injuste attentat.
La justice n’est pas une vertu d’État.
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
La timide équité détruit l’art de régner.
Quand on craint d’être injuste, on a toujours à craindre ;
Et qui veut tout pouvoir doit oser tout enfreindre.

Sans doute, le spectateur distinguera aisément les sentences morales des maximes perverses, pourvu