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Page:Lemaître - Corneille et la Poétique d’Aristote, 1888.djvu/31

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« six parties intégrantes », que le sujet, les mœurs et les sentiments.

Quelles sont donc les conditions du sujet pour la tragédie ? Écoutez et pesez ; car cette déclaration est infiniment précieuse pour l’intelligence du théâtre de Corneille :

« La dignité de la tragédie demande quelque grand intérêt d’État, ou quelque passion plus noble et plus mâle que l’amour, telles que sont l’ambition ou la vengeance, et veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte d’une maîtresse. Il est à propos d’y mêler l’amour, parce qu’il a toujours beaucoup d’agrément et peut servir de fondement à ces intérêts et à ces autres passions dont je parle : mais il faut qu’il se contente du second rang dans le poème et leur laisse le premier. »

Une fausse et froide conception de l’amour, une fausse et un peu grossière conception de la grandeur, voilà ce qu’il y a au fond de cette déclaration, et ce qui explique les trois quarts des tragédies de Corneille

Partout chez lui, excepté dans Horace, dans Polyeucte, et surtout dans le Cid (qui est peut-être, en un sens, la moins « cornélienne » de ses tragédies), c’est la même sorte d’amour que dans la Clélie ou la Cléopâtre, un amour raisonneur et pédant, sans trouble ni tendresse, un amour dont le propre est d’être toujours subordonné à un autre sentiment, ; une autre passion ou à quelque préjugé. Les amoureuses on