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Page:Lemaître - Corneille et la Poétique d’Aristote, 1888.djvu/62

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Avec quel mètre ou quelle balance Aristote mesure-t-il ou pèse-t-il ces choses-là ? Il cite OEdipe comme exemple. Mais le meurtre de Laïus par son fils n’est point le sujet de la tragédie de Sophocle. Ce qu’Aristote pouvait citer ici, c’est Lucrèce Borgia et la Tour de Nesle. Mais pardonnons-lui de n’y avoir pas songé.

Troisième cas : « On poursuit sans connaître, puis on reconnaît avant d’avoir tué (comme dans Iphigénie en Tauride). Cette donnée est la plus tragique de toutes. »

Pourquoi ? C’est ce qu’Aristote ne nous dit pas. Enfin, nous voulons bien, et jusqu’ici Corneille approuve. Mais attendez !

Quatrième cas : « On connaît celui qu’on poursuit, et on s’arrête avant d’avoir frappé. De toutes les données, celle-ci est la moins bonne. »

Aristote cite à ce propos la conduite d’Hémon qui. dans Antigone, menace son père et tout à coup retient son bras levé. Cet exemple est aussi mal choisi que l’était tout à l’heure celui d’OEdipe, car le mouvement de colère du jeune Hémon n’est qu’un détail accessoire, qu’on supprimerait sans grand dommage, qui ne tient nullement au fond de l’action.

Mais l’exemple pourrait être mauvais et l’axiome excellent. C’est celui-ci qu’il faut examiner. Est-il vrai qu’il n’y ait rien de moins tragique que le cas d’un homme qui, après avoir poursuivi une personne à laquelle il est uni par des liens étroits, renonce, sons