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Page:Lemaître - Impressions de théâtre, 7e série, 1896.djvu/342

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IMPRESSIONS DE THÉATRE

Ironie suprême ! Ce qui va presque fondre le cœur d’Anna, c’est ce qu’elle faisait profession de détester le plus au monde : un moyen de drame, ce qu’elle appelait elle-même tout à l’heure un mouvement d’affection « conventionnelle ». Thérèse lui dit, pendant ce dernier entretien : « … Au premier abord, dans notre contentement d’être secourues, nous avons dû vous paraître égoïstes… Mais nous n’en sommes pas restées là… Tenez, Alice et moi, nous étions prêtes à nous sauver de la maison pour vous rejoindre à Vienne et vous supplier, les mains jointes, de nous garder… Est-ce du pur égoïsme ? » Et Anna, radieuse et, pour la première fois, maternelle : « Vous aviez résolu cela ?… Vous aussi, Alice ? » El Alice répond « oui » avec un peu de honte. Car ce n’est pas vrai. Ce moyen sentimental et romanesque, ce ne sont pas ces deux raisonnables petites filles qui s’en sont avisées : c’est leur père qui le leur a suggéré, dans sa rage de se débarrasser d’elles. Mais, quand Anna apprend que l’idée n’était point des deux sœurs et qu’elles l’ont donc trompée sur ce point, sans doute elle sent au cœur une petite morsure (« … Si mes petites manquent de confiance… qui sait ?… je serai capable d’en avoir du chagrin ») ; mais déjà il n’est plus temps pour elle de se refermer, quand elle le voudrait, ni de défaire sa maternité recommençante…

Je n’omettrai point de dire qu’une bien jolie veine de comédie circule au travers de ce troisième acte.