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Page:Lemaître - Impressions de théâtre, 7e série, 1896.djvu/352

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pas l’aimer, — j’entends l’aimer assez pour accepter franchement son sort et ne point trop souffrir d’être sa femme ! Qu’y a-t-il donc entre eux? Il y a ceci, qu’il a les mains noires, à cause du métier, et qu’elle a les mains blanches. Il n’y a pas autre chose Mais si cela suffit pour qu’elle ne puisse supporter sa compagnie, elle n’est donc qu’une dinde vaniteuse et de sentiments étrangement bas. Ou, s’il y a là autre chose encore que vanité et sottise, il vaut mieux ne pas chercher quoi.

Le petit cousin revient là-dessus. Il a obtenu quelques jours de congé avant de partir pour le Soudan. C’est la mère Boisset qui l’amène, avec, on le dirait, une arrière-pensée de maternelle entremetteuse. Car cette bonne dame, que Darlot a sauvée de la faim, n’a rien eu de plus pressé, une fois conclu le mariage qu’elle avait elle-même désiré, que de prendre son gendre en grippe, soit par jalousie, soit pour se conformer aux classiques sentiments des belles mères françaises. Le jeune homme a une belle culotte rouge, des galons de maréchal des logis (gagnés en moins d’un an), les mains à peu près propres, et son prochain départ pour les pays inconnus rehausse encore son prestige et répand sur son front une tristesse intéressante... Le cordial Darlot a la bonhomie de le laisser seul avec sa femme... Le jeune homme fait des phrases, reproche à sa cousine sa « trahison », dit qu’il a voulu mourir quand il a su son mariage. Le fait est qu’il n’est pas