Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/102

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et sans trop en avoir l’air ce qu’il y avait tout de même d’un peu gros dans la première expression de son facile paradoxe, et il le rend par là plus acceptable. Ainsi, dans sa réponse au roi Stanislas, après avoir écrit :

Quoi ! faut-il donc supprimer toutes les choses dont on abuse ? Oui, sans doute, répondrai-je sans balancer, toutes celles qui sont inutiles, toutes celles dont l’abus fait plus de mal que leur usage ne fait de bien ;

il ajoute aussitôt :

Arrêtons-nous un instant sur cette dernière conséquence, et gardons-nous d’en conclure qu’il faille aujourd’hui brûler toutes les bibliothèques et détruire les universités et les académies. Nous ne ferions que replonger l’Europe dans la barbarie, et les mœurs n’y gagneraient rien.

On respire, on se dit : « Ah ! bien, bien ».

D’autre part, tandis qu’il défend et cherche à faire accepter son idée, son idée le travaille, et d’elle-même fructifie en lui. Son futur Discours sur l’inégalité est déjà presque contenu dans ses réponses à Stanislas et à Bordes. — Par exemple, dans sa réponse à Stanislas :

Ce n’est pas des sciences, me dit-on, c’est du sein des richesses que sont nés de tout temps la noblesse et le luxe. Je n’avais pas dit non plus que le luxe fût né des sciences, mais qu’ils étaient nés ensemble et que l’un n’allait guère sans l’autre. Voici comment j’arrangeais cette généalogie. La première source du mal est l’inégalité : de l’inégalité sont venues les ri-