Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/105

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fille de quinze ans, et il craint d’avance d’en tomber amoureux, de la séduire, et de « mettre la dissension, le déshonneur et l’enfer dans la maison ». (Raison plaisante : le pauvre Jean-Jacques n’était pas en amour un tel foudre de guerre.) — Enfin, dit-il :

A cela se mêlaient des réflexions relatives à ma situation, à mon devoir, à cette maman si bonne[1], si généreuse, qui, déjà chargée de dettes, l’était encore de mes folles dépenses, qui s’épuisait pour moi et que je trompais si indignement. Ce reproche devint si vif qu’il l’emporta à la fin. En approchant de Saint-Esprit, je pris la résolution de brûler l’étape du bourg Saint-Andiol et de passer tout droit. Je l’exécutai courageusement, avec quelques soupirs, je l’avoue, mais aussi avec cette satisfaction intérieure… de me dire : Je mérite ma propre estime, je sais préférer mon devoir à mon plaisir.

Allons, la petite Larnage l’a échappé belle ! — Et là-dessus Jean-Jacques se met à méditer, jure de « régler désormais sa conduite sur les lois de la vertu… et de n’écouter plus d’autre amour que celui de ses devoirs ».

En effet (car les actes vertueux s’enchaînent comme les autres) lorsque, de retour à Chambéry, il trouve sa place occupée par le perruquier Wintzenried et que madame de Warens lui assure que « tous ses droits demeurent les mêmes et qu’en les partageant avec un autre il n’en sera pas privé pour

  1. Madame de Warens.