Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/106

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cela », Jean-Jacques, qui avait accepté le jardinier, n’accepte pas le coiffeur. Il se précipite aux pieds de madame de Warens, il « embrasse ses genoux en versant des torrents de larmes » et lui tient ce discours étonnant : « Non, maman, je vous aime trop pour vous avilir ; votre possession m’est trop chère pour la partager ». Beau mouvement, que madame de Warens ne lui pardonna jamais.

Oh ! Jean-Jacques en avait eu plus d’un, de ces beaux mouvements. Mais, jusque-là, cela avait peu de suite. Cette fois, après le Discours sur les sciences et les arts, c’est tout à fait sérieux. Il veut décidément être un autre homme, et pour toute sa vie. Il nous explique cela au livre VIII des Confessions, mais mieux encore dans la Troisième Rêverie, où il idéalise décidément son passé et se voit tel qu’il aurait voulu être. — Il est déterminé, non seulement par les belles phrases de son propre Discours, mais par son passé religieux qui lui remonte au cœur :

Né dans une famille où régnaient les mœurs et la piété, élevé ensuite avec douceur chez un ministre plein de sagesse et de religion, j’avais reçu dès ma plus tendre enfance des principes, des maximes, d’autres diraient des préjugés qui ne m’ont jamais tout à fait abandonné. Enfant encore et livré à moi-même…, forcé par la nécessité, je me fis catholique, mais je demeurai toujours chrétien (épigramme suggérée par son résidu protestant) et bientôt, gagné par l’habitude, mon cœur s’attacha sincèrement à ma nouvelle religion… Les instructions, les exemples de madame de Warens m’affermirent dans cet attachement. La solitude