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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/140

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civilisation, ce fanatique de vertu, de sincérité et d’indépendance, et enfin cet amant de la solitude et cet adorateur de la nature ? Il pourrait vivre dans son austère petite patrie retrouvée ; il pourrait accepter la place de bibliothécaire que lui offrent ses vertueux concitoyens. Il serait bien là. L’ancien petit ami de la grosse Warens, l’amant de Thérèse, oublieux de ses cinq infanticides probables, enseignerait la morale à l’univers entier, du pied même de la chaire de Calvin. Mais voilà ! Il serait trop loin de Paris et de ce beau monde qu’il méprise. « Tout Paris » ne pourrait plus « répéter ses âcres et mordants sarcasmes ». — Au moins, s’il lui faut à la fois le voisinage de la grande ville et la solitude, la banlieue de Paris à cette époque est charmante et encore toute campagnarde. Il pourrait y louer une maisonnette et un jardin, dont il paîrait le loyer de ses propres deniers, et où il serait chez lui, et où il ne devrait rien à personne. Ce serait le bon sens, ce serait la sagesse.

Mais, parmi les grandes dames chez qui il continue de fréquenter, — et qui pourtant pratiquent les maximes, étalent les mœurs et mènent la vie qui lui sont le plus en horreur, — il y en a une, madame de la Live d’Épinay, une petite femme noiraude, raisonneuse, esprit fort, écrivailleuse et sensuelle, femme d’un de ces fermiers-généraux dont le métier même devrait paraître particulièrement infâme à l’auteur des deux Discours. Il va souvent chez elle, au château de la Chevrette, où il rencon-