Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/15

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de pensée, mais où il y a une nouvelle façon de sentir et comme une vibration jusque-là inconnue ; puis qui s’enfonce dans une lente folie, — et qui se trouve, par ces trois ou quatre livres, transformer après sa mort une littérature et une histoire et faire dévier toute la vie d’un peuple dont il n’était pas : quelle prodigieuse aventure !

Donc, je résolus d’aborder l’œuvre de Jean-Jacques d’une âme égale, craignant de m’irriter inutilement contre un mystère.

Je dus ensuite me mettre au courant des dernières études publiées sur Rousseau. J’eus alors le soupçon qu’une étude nouvelle était peut-être superflue. Mais, à ce compte-là, on ne ferait jamais rien.

Là-dessus je cherchai un plan. Je voyais bien déjà les principales idées à développer. Je pouvais montrer à ma manière soit l’unité, soit l’incohérence de l’œuvre de Rousseau ; — expliquer, comme M. Lanson, que tout, dans Rousseau et même le Contrat social, se rapporte à un seul principe ; ou, comme Faguet, que tout s’y rapporte en effet, excepté le Contrat social ; — suivre, à propos de chacun de ses livres, la fructification posthume des erreurs qu’il y a déposées ; — ou bien démontrer que Jean-Jacques, quel qu’il soit d’ailleurs, est dans le fond, avant et après tout, un protestant chez qui le protestantisme a prématurément produit ses extrêmes conséquences ; — ou bien encore étudier, dans sa vie et dans ses