Aller au contenu

Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de m’en coûter chez elle plus qu’il ne m’en aurait coûté chez moi… Je puis assurer que j’ai bien versé vingt-cinq écus chez madame d’Houdetot à Eaubonne, où je n’ai couché que quatre ou cinq fois, et plus de cent pistoles tant à Épinay qu’à la Chevrette, pendant les cinq ou six ans que j’y fus le plus assidu. Ces dépenses sont inévitables pour un homme de mon humeur qui ne sait se pourvoir de rien, ni s’ingénier sur rien, ni supporter l’aspect d’un valet qui grogne et qui vous sert en rechignant.

Non, non, il n’ira plus chez les gens du monde. Il a enfin reconquis sa liberté et il la gardera. Son éternel dessein de réforme morale paraît sérieux cette fois. On dirait qu’il va devenir capable de « vie intérieure ». Le libraire Rey le pressant d’écrire les « Mémoires de sa vie », il raille la « fausse naïveté » de Montaigne, qui a soin de ne se donner que des défauts aimables, « tandis que je sentais, dit-il, moi qui me suis cru toujours et qui me crois encore, à tout prendre, le meilleur des hommes, qu’il n’y a point d’intérieur humain, si pur qu’il puisse être, qui ne recèle quelque vice odieux ». Et cette fin de phrase impliquerait quelque connaissance de soi et quelque humilité, s’il n’y avait tant d’orgueil, — ou peut-être simplement de gageure, — dans le commencement. N’importe, il n’a jamais paru si sage, et est bien décidé à vivre dans son coin.

      *       *       *       *       *

Mais, au commencement de l’été, le maréchal et la duchesse du Luxembourg arrivent à leur