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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/18

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ce livre, et qu’il l’ait écrit comme il l’a fait, et qu’il se soit jugé lui-même intéressant à ce point pour les autres hommes, cela seul est une grande lueur sur son caractère, puisque c’est le plus fort témoignage de l’orgueil maladif et délirant qui en formait presque tout le fond. Les Confessions sont, dans leur essence même, un livre d’impudeur : ce livre est donc bien le père de la moitié de la littérature du siècle dernier.

Il commence ainsi : « Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura jamais d’imitateur. » Et notez qu’il a raison. Rien de tel avant ni après lui. Je ne vous rappellerai pas le caractère religieux et même théologique des pudiques confessions de Saint-Augustin. Montaigne dans ses Essais, Retz dans ses Mémoires ne confessent que des faiblesses ou des fautes qui ont un certain air et qui ne déshonorent point. Mais Rousseau confesse, et sans les atténuer, des choses honteuses, des péchés, des péchés mortels. Et, comme il le prédisait, son entreprise n’a pas eu d’imitateurs. Car sans doute, après lui, la bonde est ouverte à ce genre immodeste des « confessions » : mais ni Chateaubriand dans les Mémoires d’outre-tombe, ni Lamartine dans les Confidences, ni George Sand dans l’Histoire de ma vie, ni Renan dans les Souvenirs d’enfance et de jeunesse n’auront le courage de nous confesser des secrets honteux ou simplement ridicules, (et si vous en concluez que la matière leur en a fait