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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/194

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arbres, pendant des mois de rêverie et d’exaltation sentimentale, et que c’est avant tout son propre roman qu’il a rêvé.

Dans ces promenades à travers bois, il se souvient de sa jeunesse vagabonde, qui se transfigure à ses yeux. Or, un des rêves qu’il avait fait le plus souvent dans ce temps-là, — et qu’il a réalisé avec madame d’Houdetot tant bien que mal, et trop tard, à quarante-cinq ans, — c’est d’être aimé d’une belle aristocrate. Évadé de Genève, errant par la Savoie et le Piémont, il ne pouvait presque rencontrer un château dans la campagne sans faire ce rêve :

J’entrais avec sécurité dans le vaste monde… Mon mérite allait le remplir… En me montrant j’allais occuper de moi l’univers… Mais il ne me fallait pas tant… Un seul château bornait mon ambition : favori du seigneur et de la dame, amant de la demoiselle, ami du père et protecteur des voisins, j’étais content ; il ne m’en fallait pas davantage.

Un peu plus tard, à Turin :

Mon hôtesse me dit qu’elle m’avait trouvé une place et qu’une dame de condition voulait me voir. A ce mot je me crus tout de bon dans les hautes aventures, car j’en revenais toujours là.

Mais surtout il se souvient de mademoiselle de Breil, chez les Gouvon, où il était laquais :

Mademoiselle de Breil était une jeune personne à peu près de mon âge, bien faite, assez grande, très blanche, avec des cheveux très noirs et, quoique brune, portant sur son visage cet air de douceur des blondes auquel