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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/200

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cela est trop fait et me paraît sans vérité et sans chaleur. Les personnages ne disent pas un mot de ce qu’ils doivent dire. C’est toujours l’auteur qui parle. » Et madame du Deffand pensait à peu près de même, et madame de Choiseul, et même Diderot (alors encore ami de Jean-Jacques). Dans toute l’œuvre de Rousseau ce volume est, avec certains chapitres de l’Émile, celui sur lequel il est le plus facile de s’égayer. L’excitation y est purement verbale. On y remarque trois choses déplaisantes (au moins) : l’abus du mot de vertu et l’équivoque continuelle sur ce mot ; l’indélicatesse des sentiments ; l’avènement définitif du style déplorable des « hommes sensibles ».

1º Il est inouï qu’un garçon et une fille qui font ce que font Saint-Preux et Julie, et qui ne pensent qu’à ça, parlent de vertu à ce point. — Ils disent quelque part que, pour avoir eu une défaillance, ils n’en sont pas moins vertueux sur le reste et n’ont pas perdu pour cela le droit d’aimer la vertu. Évidemment : mais leur faute n’est pas seulement une faiblesse de la chair, à quoi nous pourrions être indulgents ; elle se complique d’un assez lâche abus de confiance, Saint-Preux étant le précepteur de Julie : et c’est ce dont ils n’ont pas l’air de se douter. Cela rend plus fâcheuses encore leurs éternelles invocations à la vertu et leur donne un air, soit d’hypocrisie, soit d’inconscience, également regrettable… Oui, c’est vraiment désobligeant, cette manière de fourrer la vertu où elle