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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/201

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n’a que faire. C’est chose de Rousseau et du XVIIIe siècle. Rien de semblable au XVIIe siècle, ni dans l’antiquité.

En somme, c’est toujours la grande équivoque de toute la vie de Rousseau, équivoque que j’ai déjà signalée. Saint-Preux et Julie se croient vertueux parce qu’ils « adorent » la vertu et qu’ils se sentent un bon cœur. Ils sont bien à l’image de leur père : de beaux sentiments, de beaux discours, et une vilaine vie (du moins jusqu’à quarante ans).

2º En second lieu, Julie manque étrangement de délicatesse morale. Elle paraît d’abord beaucoup trop informée de ce qu’elle va faire ; elle appelle trop les choses par leur nom. Elle dit lourdement : « Ma vertu,… mon innocence,… mon déshonneur… » Elle parle de ses « désirs » vaincus, des « plaisirs du vice ». Elle dit à Saint-Preux (avant la chute) : « Tâche, cher ami, de calmer l’ivresse des vains désirs. » Elle dit, en parlant de sa virginité : « Nous autres jeunes filles, nous nous trouvons dès le premier âge chargées d’un si dangereux dépôt !… » Il n’est pas non plus délicieux de la voir écrire à son amant en lui donnant rendez-vous dans un chalet : « Oh ! la nature !… C’est là qu’on n’est que sous ses auspices et qu’on peut n’écouter que ses lois ». Et il est moins délicieux encore de l’entendre disserter avec Saint-Preux sur certaines erreurs des sens :

Je me souviens des réflexions que nous faisions, en lisant ton Plutarque, sur un goût dépravé qui outrage