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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/252

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sur les jeunes amours d’Émile et de Sophie par un sentiment amer de regret et de revanche.

Donc, il les prend à part pour leur recommander d’être toujours amants, même dans le mariage. « Obtiens tout de l’amour, dit-il à Émile, sans rien exiger du devoir, et que les moindres faveurs ne soient jamais pour vous des droits, mais des grâces. » Et il précise, et il insiste ; et Émile se récrie, et Sophie honteuse tient son éventail sur ses yeux. Et, quelques jours après, comprenant, à la figure d’Émile, que ses conseils ont été pris trop à la lettre par Sophie, et comprenant aussi que la délicate Sophie veut ménager son époux, il lui fait entendre que le chaste Émile a des réserves, et vingt autres indécences en style noble… De sorte que l’infortuné garçon, — que Rousseau a voulu si libre, si indépendant des hommes, jamais puni, jamais réprimandé, — a finalement son gouverneur pour belle-mère ; et quelle belle mère ! — et qu’on ne sait quand il pourra s’en dépêtrer, et qu’il sera sans doute élève toute sa vie.

(Mais, avec cela, je ne dois pas omettre que le discours du gouverneur contient d’excellents conseils pour le temps où les époux seront calmés, et que cela ressemble à certains chapitres de Michelet, et que Michelet, dans l’Amour, a emprunté beaucoup, beaucoup, au livre V de l’Émile. Michelet me paraît d’ailleurs, malgré la différence des génies, le plus fidèle continuateur de Rousseau au XIXe siècle.)