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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/255

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t-elle pas de cette continuité ! Que deviendrait un peuple, si chaque enfant devait être laissé libre de juger la vie et de se faire tout seul une religion et une morale ? Émile est gentil, très gentil : mais que dirait son maître si Émile, à dix-huit ans, l’envoyait promener avec son déisme et la profession de foi du vicaire savoyard ? Quel vaurien pourrait devenir Émile s’il n’était pas si bien né, ou s’il n’avait pas le plus impérieux, en réalité, des précepteurs ? — Ou anarchiste, ou séïde du maître : voilà la destinée d’un enfant élevé strictement selon Rousseau.

Rien donc n’a pu être appliqué de l’Émile, hormis ce qui était indiqué déjà dans Locke, Montaigne, Rabelais. Mais de la partie originale, de la partie propre à Rousseau, je le répète, on n’a rien pu retenir.

Rien ? je me trompe. On a retenu le pire. Il en est resté cette niaiserie : le respect de la liberté de l’enfant, la crainte d’attenter à sa conscience ; par suite, nul enseignement religieux, — et pourquoi n’ajoute-t-on pas : nul enseignement moral ? — jusqu’à ce qu’il soit capable de choisir lui-même sa religion ou sa philosophie, ou de s’abstenir volontairement de tout choix. Ce qu’on appelle aujourd’hui la neutralité et qui est en fait l’irréligion de l’école est bien en germe dans l’Émile, est certainement impliqué par le système d’éducation de Rousseau ; — et nous commençons, je crois, à en entrevoir les résultats, — résultats qu’on se garde