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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/29

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il était laquais-secrétaire. Dans le désordre qui suit cette mort, Jean-Jacques vole un « petit ruban couleur de rose et argent, déjà vieux ». On le trouve, on veut savoir où il l’a pris. On l’interroge devant la famille assemblée. Il balbutie et dit enfin que c’est la jeune cuisinière Marion qui lui a donné ce ruban. On les confronte ; elle nie, Jean-Jacques persiste ; on les congédie tous les deux. « J’ignore, dit Rousseau, ce que devint cette victime de ma calomnie ; mais il n’y a pas d’apparence qu’elle ait après cela trouvé facilement à se placer… Qui sait, à son âge, où le découragement de l’innocence avilie a pu la porter ? » (Et, là-dessus, libre à nous d’imaginer quelque historiette « en marge des Confessions », où nous ferons rencontrer par Jean-Jacques, plus tard, dans quelque rue mal famée de Paris, la petite Marion devenue fille publique… Mais ce serait peut-être un peu trop prévu, et je ne l’écrirai pas.)

Il reste que l’acte abominable de Jean-Jacques est extrêmement significatif du fond même de sa nature, — sensibilité, imagination, orgueil, — et cela, par l’explication même qu’il en donne et qui me paraît, ici, toute la vérité :

Jamais la méchanceté ne fut plus loin de moi que dans ce cruel moment (celui où il accusa faussement Marion) ; et, lorsque je chargeai cette malheureuse fille, il est bizarre, mais il est vrai que mon amitié pour elle en fut la cause. Elle était présente à ma pensée : je m’excusai sur le premier objet qui s’offrit