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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/360

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l’orgueil, et l’esprit de révolte : tout cela exprimé, soit de façon directe, soit par des masques transparents auxquels le poète prête son âme. (Mais, au reste, je ne saurais mieux faire que de vous renvoyer au beau livre de M. Pierre Lasserre : le Romantisme français.)

Au point où Rousseau l’a porté (surtout dans les Confessions et les Rêveries) cet individualisme littéraire était chose insolite, non connue auparavant, et où l’on pouvait voir un emploi indécent et anormal de la littérature. Car évidemment elle n’a pas été faite pour ça. — A l’origine, le poète chante ou récite aux hommes assemblés des histoires, ou des chansons ou des éloges de héros ou des préceptes de morale. Il est clair qu’on ne lui demande pas de confidences intimes. Telle est la littérature primitive et « naturelle », la seule qu’aurait dû admettre Jean-Jacques, prêtre de la nature. — Plus tard, après l’invention de l’écriture, après l’imprimerie, on a instinctivement senti qu’il ne convenait d’exposer au public, — multipliés par la copie ou par la lettre imprimée, — que des pensées, des récits, des images propres à intéresser tout le monde ; qu’il était peu probable que la personne intime et secrète de l’écrivain importât aux autres hommes, et qu’il y aurait, du reste, impudeur à l’exprimer publiquement. — L’individualisme en littérature, l’antiquité l’a ignoré (sauf dans quelques strophes ou distiques d’élégiaques). Le moyen âge, le XVIe siècle, le XVIIe et le XVIIIe,