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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/38

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raconte cette unique aventure avec orgueil, et il ajoute : « Je puis dire que je dois à madame de Larnage de ne pas mourir sans avoir connu le plaisir. ») — Et c’est pour cela encore que, plus tard, il se condamnera à Thérèse. Et ces choses en expliquent d’autres, soit dans la Nouvelle Héloïse, soit même dans l’Émile.

(Je n’oublie pas d’ailleurs qu’à cette timidité nous devons la grâce de son idylle chez madame Basile, la petite marchande italienne.)

J’ai nommé plusieurs fois madame de Warens. Elle est assez singulière pour qu’on dût s’arrêter sur elle. Mais vous la connaissez. Je n’ai pas à vous rappeler sa naissance protestante, son mariage, sa fuite de Vevey, à la suite d’on ne sait trop quel incident domestique, son recours au roi de Sardaigne, sous les auspices de qui elle se convertit au catholicisme et qui lui fait une pension de deux mille francs. Elle travaillait elle-même dans les conversions (comme on le voit par sa première rencontre avec Jean-Jacques), quoique son catholicisme fut extrêmement latitudinaire. Elle était d’une activité brouillonne, s’occupait de pharmacie et de chimie, désordonnée, chimérique, crédule aux aventuriers et aux inventeurs, et toujours dans les entreprises. — En amour, un vieux monsieur lui avait appris dans sa jeunesse que l’acte est chose indifférente en soi, et elle l’avait cru. Elle se donnait à ses amis pour leur faire plaisir et pour se les attacher, et elle n’était pas regardante sur leur condition