Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/63

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pour elle, que je n’ai pas plus désiré la posséder que madame de Warens, et que les besoins des sens, que j’ai satisfaits auprès d’elle, ont uniquement été pour moi ceux du sexe, sans avoir rien de propre à l’individu ?

Mais il l’aime, on n’en peut guère douter, d’une grande affection. Avant de rappeler sa première rencontre avec elle, il nous dit : « Là m’attendait la seule consolation réelle que le ciel m’ait fait goûter dans ma misère, et qui seule me la rendit supportable. » Il écrit cela après vingt-quatre ans d’union. — Il dit un peu plus loin : « Le cœur de ma Thérèse était celui d’un ange. » — Dans vingt passages des Confessions, dans cinquante passages peut-être de ses lettres, (et de toutes les époques), il parle de ses bonnes qualités, de ses vertus, notamment de « son bon cœur, de son affection, de son désintéressement sans exemple, de sa fidélité sans tache ». — Il dit bien, dans une note écrite après 1768 : « Elle est, il est vrai, plus bornée et plus facile à tromper que je ne l’avais cru ; » mais il ajoute aussitôt : « Mais pour son caractère, pur, excellent, sans malice, il est digne de toute mon estime et l’aura tant que je vivrai. » — Il s’occupe beaucoup d’elle. Après sa fuite de Montmorency, il la recommande tendrement à madame de Luxembourg et à une supérieure de couvent. Une des raisons qui lui font choisir pour séjour Motiers-Travers, c’est qu’il y a, aux environs, une église catholique où Thérèse pourra aller à la messe. A Motiers même, quand il se croit prêt à mourir, il assure l’avenir de Thérèse ; il la